Hizir est aujourd’hui communément considéré comme un protecteur qui vient au secours des personnes en danger, dans le besoin, des opprimés etc. D’où certains proverbes Turcs « si le croyant n’est pas dans le besoin Hizir ne viendra pas », « il arriva (au secours) comme Hizir ».
Selon les régions son nom se prononce Khedr, Khadr, Khezr, Hizir, Khizir, Khidir, Khadir, Khadar, Khidhroûn, Xizir, etc… „Al-Khidr“ signifie en arabe „le vert“ ou „le verdoyant„. D’après un hadith du prophète se nom lui à été donné parce que la terre où il s’assied se couvre d’herbe.
Malheureusement il n’y a pas de consensus au niveau de la qualité de Hizir, pour certains c’est un prophète, pour d’autres un Veli (ami de Dieu), un ange, un saint.
Qui plus est, il y a plusieurs récits dont certains affirment qu’ils auraient vécu à l’époque du prophète Abraham, d’autres rattachent son existence à l’époque de Salomon, ou encore à l’époque de Moise.
Dans l’Alévisme également il y a plusieurs récits sur Hizir. Cependant la plus répandu est celle de Hizir Nebi et Hizir Ilyas (Élie) qui recherchent ensemble „l’eau de la vie“(Abi-Hayat). Ils s’arrêtent prés d’une source pour manger leur repas qui se fait d’un poisson séché ; et voilà que ce dernier tombe dans l’eau et revient à la vie. Les chercheurs comprennent ainsi qu’ils ont trouvé „l’eau de la vie“, et tous les deux boivent, devenant immortels. Hizir Ilyas (Élie) est considéré comme le protecteur des voyageurs par voie terrestre et Hizir Nebi des voyageurs par voie maritime.
En effet, Hizir est considéré comme un personnage mystique détenteur de la science Divine (Ilmi-Ledun) qui vient au secours des opprimés, des personnes en danger, des pauvres, des orphelins. C’est pour cette raison que dès qu’ils sentent le besoin il l’appelle « viens à mon secours ô Hizir » (yetiş imdadıma ya Hızır).
Les Alévis n’ont pas un rapport de crainte avec le Divin mais d’amour car ils considèrent que seul l’amour Divin peut permettre aux croyants de se rapprocher de son seigneur et c’est avec le même amour qu’ils accueillent les Evliya (Les Saints) dans leurs cœurs, dont l’un est Hizir.
D’après Henry Corbin, grand orientaliste et philosophe ayant étudié la gnose (Irfan) du Shî’isme duodécimain, les Shî’ites (Shi’ia Ali, parti d’Ali) possèderaient une source ou l’Imam Ali (cousin et gendre du prophète) a dit en s’adressant à des Chrétiens « Je suis celui qui dans l’Évangile est appelé Élie » et que d’après un Hadith le prophète a dit « Ali a été missionné avec chaque prophète invisiblement (secrètement), avec moi il l’a été publiquement. »
C’est pourquoi les Alévis associent souvent l’Imam Ali, émir des croyants à Hizir Ilyas, comme le dénotent les vers de certains « Ozan » (poète mystique) comme Şükrü Metin Baba :
Zulmet deryasını nur edip gelen
Hızır-İlyas Şâh-ı Merdan Ali’dir
Gariban mazlumun halini bilen
Hızır-İlyas Şâh-ı Merdan Ali’dir
Bir anda cevelan eder cihanı
Kalbi saf olanın dest ü damanı
Bir ismi Behrûz’dur lisanı Süryani
Hızır-İlyas Şâh-ı Merdan Ali’dir
Merdi meydan eylemektir iyi er
Gafil olma kardeş çerağın söner
Her gördüğün Hızır bilmektir hüner
Hızır-İlyas Şâh-ı Merdan Ali’dir
Ehl-i iman eyler ikrar sebatı
Kendinde seyr eder sıfatı zatı
Hızır ile içen Ab-ı Hayat’ı
Hızır-İlyas Şâh-ı Merdan Ali’dir
Şükrü Metin baba bu demden içer
Sâk-i kevser’le Sırât’ı geçer
Hızır’ı ademde arayıp seçer
Hızır-İlyas Şâh-ı Merdan Ali’dir
L’un des lieux où le culte de Hizir est très répandu est Dersim, nous pouvons y trouver des lieux avec le nom de Hizir comme : le lac de Hizir (Golê Xızırı), le pont de Hizir (Pırde Xızıri), le passage de Hizir (Gavanê Xızıri), (Lıngâ Xızıri) et la maison de Hizir (Bone Xızıri). En effet il y a même le Hizir des communes le Hizir de Hozat (Xızırê Xozati) ou le Hizir du pont rouge (Xızıre Pırdê Suri). Toutefois, tous ces lieux ont une anecdote avec Hizir et c’est pour cette raison qu’ils ont été nommés ainsi.
Dans cette région, à la fin des trois jours de jeûne du Hizir qui se termine toujours le jeudi, les « Pir » (guide spirituel des Alévis descendant de la famille du prophète la Ehlibeyt) venaient dans le village et les talip (initiés) sacrifiaient un mouton avec une cérémonie spécifique avec le « Pir » et ont effectuaient le Cem du Hizir (Cem prière collective des Alévis).
Selon un hadith de Al-Boukhari rapporté, d’après Oubay ibn Kâab qui a dit qu’il a entendu le prophète Muhammed dire :
Moïse se mit debout pour faire un sermon aux fils d’Israël, et on lui demanda : « Qui est le plus savant des gens ? », il dit : « Moi » ; alors, Allah le réprimanda et lui révéla : « J’ai un serviteur au confluent des deux mers qui est plus savant que toi ».
Le personnage de Hizir intervient dans la sourate 18 intitulée „La caverne“ (al-Kahf), où il apparaît comme l’initiateur de Moïse et le détenteur d’une science divine (Ilmi-Ledun) :
60- (Rappelle-toi) quand Moïse dit à son valet: «Je n’arrêterai pas avant d’avoir atteint le confluent des deux mers, dussé-je marcher de longues années».
61- Puis, lorsque tous deux eurent atteint le confluent, Ils oublièrent leur poisson qui prit alors librement son chemin dans la mer.
62- Puis, lorsque tous deux eurent dépassé [cet endroit,] il dit à son valet: «Apporte-nous notre déjeuner: nous avons rencontré de la fatigue dans notre présent voyage».
63- [Le valet lui] dit: «Quand nous avons pris refuge près du rocher, vois-tu, j’ai oublié le poisson – le Diable seul m’a fait oublier de (te) le rappeler – et il a curieusement pris son chemin dans la mer».
64- [Moïse] dit: «Voilà ce que nous cherchions». Puis, ils retournèrent sur leurs pas, suivant leurs traces.
65- Ils trouvèrent l’un de Nos serviteurs à qui Nous avions donné une grâce, de Notre part, et à qui Nous avions enseigné une science émanant de Nous.
66- Moïse lui dit: «Puis-je te suivre, à la condition que tu m’apprennes de ce qu’on t’a appris concernant une bonne direction?»
67- [L’autre] dit: «Vraiment, tu ne pourras jamais être patient avec moi.
68- Comment endurerais-tu sur des choses que tu n’embrasses pas par ta connaissance?»
69- [Moïse] lui dit: «Si Allah veut, tu me trouveras patient; et je ne désobéirai à aucun de tes ordres».
70- «Si tu me suis, dit [l’autre,] ne m’interroge sur rien tant que je ne t’en aurai pas fait mention».
71- Alors les deux partirent. Et après qu’ils furent montés sur un bateau, l’homme y fit une brèche. [Moïse] lui dit: «Est-ce pour noyer ses occupants que tu l’as ébréché? Tu as commis, certes, une chose monstrueuse!»
72- [L’autre] répondit: «N’ai-je pas dit que tu ne pourrais pas garder patience en ma compagnie?»
73- «Ne t’en prends pas à moi, dit [Moïse,] pour un oubli de ma part; et ne m’impose pas de grande difficulté dans mon affaire».
74- Puis ils partirent tous deux; et quand ils eurent rencontré un enfant, [l’homme] le tua. Alors [Moïse] lui dit: «As-tu tué un être innocent, qui n’a tué personne? Tu as commis certes, une chose affreuse!»
75- [L’autre] lui dit: «Ne t’ai je pas dit que tu ne pourrais pas garder patience en ma compagnie?»
76- «Si, après cela, je t’interroge sur quoi que ce soit, dit [Moïse], alors ne m’accompagne plus. Tu seras alors excusé de te séparer de moi».
77- Ils partirent donc tous deux; et quand ils furent arrivés à un village habité, ils demandèrent à manger à ses habitants; mais ceux-ci refusèrent de leur donner l’hospitalité. Ensuite, ils y trouvèrent un mur sur le point de s’écrouler. L’homme le redressa. Alors [Moïse] lui dit: «Si tu voulais, tu aurais bien pu réclamer pour cela un salaire».
78- «Ceci [marque] la séparation entre toi et moi, dit [l’homme,] Je vais t’apprendre l’interprétation de ce que tu n’as pu supporter avec patience.
79- Pour ce qui est du bateau, il appartenait à des pauvres gens qui travaillaient en mer. Je voulais donc le rendre défectueux, car il y avait derrière eux un roi qui saisissait de force tout bateau.
80- Quant au garçon, ses père et mère étaient des croyants; nous avons craint qu’il ne leur imposât la rébellion et la mécréance.
81- Nous avons donc voulu que leur Seigneur leur accordât en échange un autre plus pur et plus affectueux.
82- Et quant au mur, il appartenait à deux garçons orphelins de la ville, et il y avait dessous un trésor à eux; et leur père était un homme vertueux. Ton Seigneur a donc voulu que tous deux atteignent leur maturité et qu’ils extraient, [eux-mêmes] leur trésor, par une miséricorde de ton Seigneur. Je ne l’ai d’ailleurs pas fait de mon propre chef. Voilà l’interprétation de ce que tu n’as pas pu endurer avec patience».
Le jeûne du Hizir est pratiqué différemment selon les régions en Anatolie, par exemple à Dersim le jeûne commence à la fin du mois de janvier et s’étale sur trois semaines, chaque semaine les initiés d’une région différente de Dersim jeûne. Ce partage a été mis en place pour assurer la présence des Pir à la fin du jeûne.
En effet, le jeûne de Hizir dure 3 jours (mardi, mercredi, jeudi) et le dernier jour, c’est à dire le jeudi soir on fait le Cem en présence du Pir. Le jeudi est en même temps le jour de prière (ibadet) des Alévis. Ce jeûne est réalisé comme pour le jeûne du Muharrem de minuit jusqu’au couché du soleil.
Il existe plusieurs sources pour ce jeûne certains donnent un récits avec le prophète Noé, mais celle qui est accepté par les Alévis est celle ci :
Un jour les deux fils de l’Imam Ali, Hz Hasan et Hz Huseyin tombèrent malades, quand ils demandèrent conseil au Prophète Muhammed, ce dernier leur conseilla de jeûner pendant trois jours.
Chaque soir alors qu’ils allaient rompre leur jeûne on frappa à la porte et ils distribuèrent pendant trois jours au moment de rompre le jeûne leur nourriture à un pauvre.
Après ces trois jours de jeûnes Hz Muhammed demanda à Hz Ali : „Comment s’est déroulé votre jeûne, ô Ali?“ Hz Ali répondit : „Vous le savez, ô Envoyé de Dieu“. Le Prophète dit alors: „Celui qui est venu est Hizir. Allah a éprouvé votre patience“
La fête de Hidrellez :
La fête de Hidrellez, qu’on appelait aussi Roze Xızır (le jour de Hizir) est d’après la croyance le jour où Hizir Nebi et Hizir Ilyas se retrouve et c’est de cette union qu’apparut le nom Hidrellez qui est un assemblage de Hizir et Ilyas. Le Hidrellez se fête le 6 mai qui est en même temps le début de l’été en Anatolie.
Voici un récit oral turc de 1968 conservé à l’université de technologie du Texas:
Un autobus transportait des personnes allait d’Ankara à Samsun (sur la côte de la Mer Noire). J’étais un passager de cet autobus. Près de Havza, où nous traversions une forêt, un vieil homme a descendu un sentier vers la route et a agité sa main vers l’autobus. Le conducteur a arrêté et a demandé au vieil homme ce qu’il voulait. Le vieil homme semblait pauvre et il était habillé très minablement. Il a dit qu’il avait un enfant malade à la maison, en état critique, et il voulait le porter chez un médecin à Havza. Le conducteur a accepté d’attendre, et le vieil homme a dit qu’il reviendrait dans dix minutes, car sa maison n’était pas loin de la route.
Les dix minutes passées, il n’y avait toujours aucun signe du vieil homme et de l’enfant malade. Nous avons attendu encore dix minutes, mais personne ne venait. Alors plusieurs passagers ont dit que le vieil homme ne viendrait pas et ont invité le chauffeur de bus à redémarrer. Mais l’autobus n’a pas bougé, et le conducteur restait immobile. On a alors découvert qu’il avait eu une crise cardiaque et qu’il était mort. De cette façon les vies de trente-cinq personnes ont été sauvées par Hizir (Khidr), qui avait retenu l’autobus pendant ces dix minutes cruciales.
Serdar UMUT
Alevi Akademisi YK
– Hizir ve Hizir oruçu, Ali Kilic, Alevi Akademisi yayinlari
– Alevi inancinda Hizir, Y.Doç.Dr. Yagmur Say
– Henry Corbin, En Islam Iranien, Aspect spirituels et philosophiques 1. Le Shî’isme duodécimain
– Le Coran, traduit par Muhammad Hamidullah